La propagation de l’épidémie du coronavirus inquiète de plus en plus employeurs et salariés qui partagent au quotidien des lieux de travail et de vie communs. La proximité favorisant la transmission du virus soulève l’interrogation des actions à mener pour protéger le personnel d’une entreprise.

Le Code du travail prévoit que l’employeur est responsable de la sécurité et de la santé de ses salariés. Il s’agit là d’une obligation à laquelle l’employeur ne peut pas déroger sous peine de sanctions.

Il arrive que les freelances prestataires d’un client, soient amenés à se déplacer dans les locaux de l’entreprise afin de réaliser leur mission. Bien qu’ils conservent leur autonomie et leur indépendance, ils sont dans les faits, exposés aux mêmes risques de santé que les salariés de l’entreprise durant leur travail.

Nous verrons dans cet article quelles sont les principales obligations juridiques de l’employeur afin de protéger la santé de ses salariés et par conséquent, les points de vigilance que le freelance doit adopter s’il se déplace régulièrement dans les locaux d’une entreprise cliente durant cette période d’épidémie.

Une obligation de résultat et de moyen pour l’employeur

Le freelance qui travaille dans les locaux de son client devra porter une attention particulière quant aux mesures d’hygiène prises par l’employeur auprès de son personnel. En effet, bien que le freelance ne soit pas lié à l’entreprise cliente par un contrat de travail, le fait qu’il travaille dans les locaux de son client le soumet forcément aux mêmes risques sanitaires que le reste du personnel.

Ainsi, l’article L4121-1 du Code du travail énonce que “ L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. “

Les employeurs sont tenus d’une obligation de résultat, ce qui signifie qu’ils doivent assurer, peu importe les circonstances, la protection de la santé des travailleurs. La jurisprudence a rappelé la nature et les sanctions de cette obligation notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 25 Mars 2009 (Cass, Chambre sociale, 25 Mars 2009 – n° 07-44.408).

Cette obligation est à temporiser au regard d’une circulaire de 2009 qui prévoit que lorsque le risque est exclusivement ou principalement environnemental, comme une pandémie grippale, les employeurs sont tenus, à une obligation de moyen (Circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009). Cela suppose qu‘en période de crise sanitaire il est fort probable que l’employeur soit tenu à une obligation de moyen. Ce dernier aura donc pour obligation de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter les contacts avec le virus ou la propagation de celui-ci.

Si le freelance constate que peu de mesures voire aucune n’ont été prises, il faudra peut-être remettre en question l’utilité du travail au sein des locaux du client.

i

L’importance du document unique d’évaluation des risques (DUER)

Le freelance dispose d’un autre indicateur fiable afin de savoir si des mesures sérieuses ont été prises dans l’entreprise cliente au sein de laquelle il travaille. Il s’agit du document unique d’évaluation des risques (DUER) dont la mise à jour est une obligation à laquelle l’employeur est tenu car il permet de faire état des risques particuliers existants au sein de l’entreprise. Dans ce contexte d’épidémie, le DUER doit donc avoir été mis à jour.

La consultation de ce document par le freelance l’informe clairement de l’état actuel des risques professionnels dans l’entreprise de son client, dont le coronavirus fait désormais partie (article R4121-1 Code du travail).

L’entreprise cliente a t-elle mis en place les 3 axes d’actions imposés par le Code du travail à l’employeur ?

Concrètement, l’article L4121-1 du Code du travail, précise 3 mesures imposées à l’employeur afin de protéger la santé des salariés et ainsi assurer leur sécurité au travail :

  • Des actions de prévention des risques professionnels ;
  • Des actions d’information et de formation ;
  • La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Le freelance qui travaille dans les locaux de son client doit donc s’interroger sur la mise en place de ces différentes mesures, qui lorsqu’elles sont prises, lui assurent un lieu de travail sous contrôle.

S’agissant des moyens de préventions, l’article L4121-2 du Code du travail apporte un éclairage sur les différents moyens dont dispose l’employeur pour prévenir les risques au sein de l’entreprise.

 L’employeur doit notamment se focaliser sur l’évitement des risques en évaluant ces derniers ; adapter le travail des salariés par le choix d’un équipement particulier si cela est nécessaire ; remplacer ce qui est dangereux ou encore planifier la prévention en y intégrant, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail. 

Ensuite, les actions d’information et de formation des salariés par l’employeur se traduisent notamment par la fourniture d’équipements adaptés aux conditions de travail et aux risques encourus le cas échéant. L’employeur doit par ailleurs veiller à ce que les salariés utilisent convenablement leurs équipements de protection (l’article R4321-4 ; R4323-95 ;  R4323-97 Code du travail). Dans le cas du coronavirus, l’employeur devra fournir les masques de protection FFP2 / FFP3 s’il y a lieu et rappeler (par des notes officielles dans l’entreprise) toutes les mesures obligatoires d’hygiène afin de limiter la propagation du virus.

Enfin, concernant la mise en place d’une nouvelle organisation et des moyens adaptés, les employeurs ne doivent pas hésiter à aménager les lieux et les conditions de travail des salariés lorsque cela est nécessaire.

Le recours au télétravail (article L1222-11 Code du travail) ou encore le placement en dispense d’activité rémunérée des salariés “à risque”, sont autant de mesures démontrant que l’entreprise fait le nécessaire pour préserver la santé du personnel.

 

Rappelons que même si le freelance n’est pas lié par un lien de subordination avec son client, le fait de travailler dans les locaux de ce dernier le soumet aux mêmes conditions d’hygiène que les autres salariés.

Le freelance aura donc tout intérêt à vérifier que les principales obligations imposées à l’employeurs par le Code du travail sont mises en place durant cette période de crise sanitaire. A défaut, il sera sans doute plus sage de limiter les déplacements dans les locaux de l’entreprise cliente lorsque cela est possible.

Textes de références :

  • Cass, Chambre sociale, 25 Mars 2009 – n° 07-44.408
  • Article L4121-1 Code du travail
  • Article L4121-2 Code du travail
  • Article L4131-1 Code du travail
  • Article R4121-1 du Code du travail
  • Article R4321-4 Code du travail
  • Article R4323-95 du Code du travail
  • Article R4323-97 du Code du travail
  • Article L1222-11 Code du travail